Critique :Les Infidèles
15 Juin 2011 Livres en folie Haïti: Fidèles ou infidèles : le même gayac
Avec «Les infidèles», Magaly Neïland Pélissier, (Galy) hôtelière et licenciée en Gestion de la Universidad de Ciensias Economicas y Empresarles de Seville, nous a séduit. Son roman d'amour, tout en étant primesautier, aborde avec une tendresse authentique des effervescences juvéniles sous un angle bien défini que l'on retrouve par exemple chez Catland, Jones ou dans les Arlequins d'une certaine facture. Des lectures captivantes et formatrices. Si ses idées lui viennent en vrac, elle emploie néanmoins une énergie débordante pour atteindre l'insurpassable extase de l'écriture à laquelle il ne manque presque rien, sinon une méthode sérieuse et des recettes nécessaires à tout écrivain de sa trempe.
« L'avenir s'ouvrit enfin sur leur plus belle histoire d'amour ». Ainsi se termine le premier roman de Galy. Cette conclusion montre bien que, chez elle, l'écriture s'apparente à une expérience de lecture qu'elle parvient à mettre en oeuvre dans un style singulier et de manière joliment insolite.
Pour commencer, Galy semble intégrer cette réalité. Et il est amusant de constater sa fascination pour la page blanche. On sent cette terrible pesanteur qui s'abat sur elle au moment d'écrire le premier mot du livre, d'autant qu'elle aborde un genre auquel elle se croit étrangère, après avoir publié « Dis-moi comment recevoir » (tomes I, II, III, IV) de 2006 à 2009. Des manuels de savoir-vivre réussis. Quel bonheur d'écrire autre chose ! « Les infidèles » montre que la littérature n'a cessé d'être pour elle un plaisir. Un passe-temps favori. Une nécessité.
Ce roman, c'est tout d'abord la célébration de l'amour plus fort que la vie qui dégrade, assagit, réduit à néant, la vie avec ses dures épreuves, ses illusions, ses bruits et passions. C'est aussi le mythe de l'amour inaltérable, inaltéré par l'érosion de la vie courante qui méprise l'épreuve de l'engagement dans un rapport concret avec un Autre toujours insuffisant, jamais digne de son image, jamais digne de l'ange dont le premier regard, par une intuition fulgurante, n'a cru voir la lueur toujours fuyante. Mais en fuite vers la hauteur où l'entrainent les « infidèles ».
Chez Galy, les couples sont profondément attachés à l'amour et viennent souvent buter sur la question de la fidélité. Une thématique essentielle. La place réservée à l'Autre dans les paroles sur cette thématique est curieuse. « On ne peut certes s'isoler complètement de son environnement, mais vivre sereinement chaque moment de son existence était d'une grande importance pour préserver son équilibre. » (p. 48)
Il serait superflu de caractériser le choix narratif opéré, délibérément ou non, par la romancière qui en subit la tentation. Mais partant du principe bien connu que tout écrit est significatif, révélateur du choix fondamental de l'écrivain : la conscience d'un artiste a ceci de particulier qu'elle choisit de se manifester à elle-même et à Autrui en des formes qui deviennent son lieu d'élection, il me semble que c'est de ce point de vue que Galy tente de décliner l'identité des « infidèles ». Or, parfois la seule façon d'être fidèle à son identité c'est de lui être infidèle, surtout si elle comporte sa propre cassure. C'est que la fidélité est un rapport aux cassures de l'identité et aux mutations du lien. Dans « Les infidèles », les actes d'infidélité sont à ramener aux manquements où ce qui état attendu par l'un n'est pas venu, où il n'a pas pu supporter de n'avoir pas ce qu'il attendait, il n'a pas toléré de laisser venir la suite. De même que Charles ne saurait tenir Emma Bovary pour totalement responsable de son infidélité, ce serait peine perdue que Lamartine tienne grief à Sand. «Totae in utero ». Le tourbillon est infernal, exclusif.
Révoltée contre les horreurs de la vie sentimentale, Galy ne revendique pas le discours qui dit que l'infidélité est à gauche ou à droite, voire neutre. Consciente de vivre dans un monde déroutant, elle sait parfaitement de quoi elle parle dans le roman qui ne sous-tend pas forcément l'acceptation tacite du pacte qu'elle propose au lecteur. Que dit ce pacte ? La romancière s'engage à raconter une histoire afin de distraire, d'amuser, d'amener à réfléchir, d'effrayer, d'émouvoir, de choquer, de flatter son sens esthétique. Dans un univers donné. En échange de quoi le lecteur souscrit à ces engagements. Cela dit, on ne peut adhérer plus avant ou après à une histoire en carton bouilli, avec des décors et des personnages en papier mâché. Toujours est-il que l'effet de réel que constituent les détails qui contribuent à ancrer l'histoire dans une matérialité concrète (les lieux, les personnages, les objets, la géographie, etc.) dissimulent les erreurs susceptibles de briser inexorablement le pacte de lecture.
Pour un premier roman, Galy a le mérite d'avoir inventé un alphabet et créé un style. Attentive à tout, elle écrit dans un état de transport fiévreux (La fièvre étant le commencement de ce qu'in ne nomme pas), mais ce qu'on dit est parfois impossible à faire, et la dialectique du serment et du renoncement ne se passe pas de commentaires...
Pierre-Raymond Dumas et
Robenson Bernard
Avec «Les infidèles», Magaly Neïland Pélissier, (Galy) hôtelière et licenciée en Gestion de la Universidad de Ciensias Economicas y Empresarles de Seville, nous a séduit. Son roman d'amour, tout en étant primesautier, aborde avec une tendresse authentique des effervescences juvéniles sous un angle bien défini que l'on retrouve par exemple chez Catland, Jones ou dans les Arlequins d'une certaine facture. Des lectures captivantes et formatrices. Si ses idées lui viennent en vrac, elle emploie néanmoins une énergie débordante pour atteindre l'insurpassable extase de l'écriture à laquelle il ne manque presque rien, sinon une méthode sérieuse et des recettes nécessaires à tout écrivain de sa trempe.
« L'avenir s'ouvrit enfin sur leur plus belle histoire d'amour ». Ainsi se termine le premier roman de Galy. Cette conclusion montre bien que, chez elle, l'écriture s'apparente à une expérience de lecture qu'elle parvient à mettre en oeuvre dans un style singulier et de manière joliment insolite.
Pour commencer, Galy semble intégrer cette réalité. Et il est amusant de constater sa fascination pour la page blanche. On sent cette terrible pesanteur qui s'abat sur elle au moment d'écrire le premier mot du livre, d'autant qu'elle aborde un genre auquel elle se croit étrangère, après avoir publié « Dis-moi comment recevoir » (tomes I, II, III, IV) de 2006 à 2009. Des manuels de savoir-vivre réussis. Quel bonheur d'écrire autre chose ! « Les infidèles » montre que la littérature n'a cessé d'être pour elle un plaisir. Un passe-temps favori. Une nécessité.
Ce roman, c'est tout d'abord la célébration de l'amour plus fort que la vie qui dégrade, assagit, réduit à néant, la vie avec ses dures épreuves, ses illusions, ses bruits et passions. C'est aussi le mythe de l'amour inaltérable, inaltéré par l'érosion de la vie courante qui méprise l'épreuve de l'engagement dans un rapport concret avec un Autre toujours insuffisant, jamais digne de son image, jamais digne de l'ange dont le premier regard, par une intuition fulgurante, n'a cru voir la lueur toujours fuyante. Mais en fuite vers la hauteur où l'entrainent les « infidèles ».
Chez Galy, les couples sont profondément attachés à l'amour et viennent souvent buter sur la question de la fidélité. Une thématique essentielle. La place réservée à l'Autre dans les paroles sur cette thématique est curieuse. « On ne peut certes s'isoler complètement de son environnement, mais vivre sereinement chaque moment de son existence était d'une grande importance pour préserver son équilibre. » (p. 48)
Il serait superflu de caractériser le choix narratif opéré, délibérément ou non, par la romancière qui en subit la tentation. Mais partant du principe bien connu que tout écrit est significatif, révélateur du choix fondamental de l'écrivain : la conscience d'un artiste a ceci de particulier qu'elle choisit de se manifester à elle-même et à Autrui en des formes qui deviennent son lieu d'élection, il me semble que c'est de ce point de vue que Galy tente de décliner l'identité des « infidèles ». Or, parfois la seule façon d'être fidèle à son identité c'est de lui être infidèle, surtout si elle comporte sa propre cassure. C'est que la fidélité est un rapport aux cassures de l'identité et aux mutations du lien. Dans « Les infidèles », les actes d'infidélité sont à ramener aux manquements où ce qui état attendu par l'un n'est pas venu, où il n'a pas pu supporter de n'avoir pas ce qu'il attendait, il n'a pas toléré de laisser venir la suite. De même que Charles ne saurait tenir Emma Bovary pour totalement responsable de son infidélité, ce serait peine perdue que Lamartine tienne grief à Sand. «Totae in utero ». Le tourbillon est infernal, exclusif.
Révoltée contre les horreurs de la vie sentimentale, Galy ne revendique pas le discours qui dit que l'infidélité est à gauche ou à droite, voire neutre. Consciente de vivre dans un monde déroutant, elle sait parfaitement de quoi elle parle dans le roman qui ne sous-tend pas forcément l'acceptation tacite du pacte qu'elle propose au lecteur. Que dit ce pacte ? La romancière s'engage à raconter une histoire afin de distraire, d'amuser, d'amener à réfléchir, d'effrayer, d'émouvoir, de choquer, de flatter son sens esthétique. Dans un univers donné. En échange de quoi le lecteur souscrit à ces engagements. Cela dit, on ne peut adhérer plus avant ou après à une histoire en carton bouilli, avec des décors et des personnages en papier mâché. Toujours est-il que l'effet de réel que constituent les détails qui contribuent à ancrer l'histoire dans une matérialité concrète (les lieux, les personnages, les objets, la géographie, etc.) dissimulent les erreurs susceptibles de briser inexorablement le pacte de lecture.
Pour un premier roman, Galy a le mérite d'avoir inventé un alphabet et créé un style. Attentive à tout, elle écrit dans un état de transport fiévreux (La fièvre étant le commencement de ce qu'in ne nomme pas), mais ce qu'on dit est parfois impossible à faire, et la dialectique du serment et du renoncement ne se passe pas de commentaires...
Pierre-Raymond Dumas et
Robenson Bernard